Yohan

juin 13, 2011

Devient on prisonnier de son terrain d’enquête? A Roubaix, je n’ai pas réussi à faire un seul portrait, trop étroit, trop bondé, le métro ne m’a laissé aucune chance, et sur le quai, je me sentais perdue. J’avais pourtant adoré la série de portraits que j’avais fait en début d’année… Affaire à suivre ! De retour à Paris, j’ai retrouvé mes « fouliens », mes dédales de couloirs ou se bousculent les gens pressés, les vieillards qui s’accrochent aux murs tandis que les jeunes filles se poursuivent en riant… I love Paris ! Parmi ces milliers de visages, Yohan 27 ans, casque vissé sur les oreilles, rentre, pur hasard, du Nord Pas de Calais, où il été rendre visite à ses grands parents ! Lui, est originaire de Rouen, il est venu à Paris pour vivre avec sa petite amie, costumière à l’Opéra de Paris (ce métier ne vous fait il pas un poil baver d’envie???). Il est instituteur, quand je lui demande s’il aurait pu faire autre chose il est étonné de constater que non, il a toujours voulu faire ça sans se demander pourquoi. Il enseigne à des élèves de CE1 du 10ème et 11ème arrondissement, je constate que de plus en plus d’élèves ont deux instituteurs, quand j’étais petite c’était impensable ! Quand il est dans le métro, c’est à dire tout les jours, Yohan bosse, écoute de la musique, principalement du hip hop et regarde les autres, une sorte de bulle un peu contemplative. Aujourd’hui il vous conseille à tous d’écouter Jurassic 5 ! Au moment de prendre la photo, Yohan me demande s’il peut faire ce qu’il veut, voici le résultat, ses élèves apprécieront ! Merci Yohan !

P-S 1: Merci à tout vos supers conseils, j’ai hâte de rester un week end et d’aller vérifier vos bons plans Lillois, pour ma part, en votre honneur, j’ai visité le Musée D’Art Moderne de Villeneuve D’Asq, c’était incroyable ! Merci encore !

P-S 2: Refus du jour: « Ah ben jveux bien qu’on y voit ma tronche dans vot’ truc, mais faudra dîner avec moi après ! »

Roubaix, sa faune, sa flore…

juin 7, 2011

Mes amis ! Me voilà de retour dans le nord, je suis punie, je suis à Roubaix (trompettes). Il va me falloir arpenter à nouveau le métro Lillois, vous vous souvenez de ces jolies rencontres au début de l’année? Tourcoing, Villeneuve D’Ascq, des endroits merveilleux, des aventures palpitantes, une météo à toute épreuve… Sauvez moi, ceci n’est pas une alerte.

Plus sérieusement, j’ai du m’installer, renouer avec la langue (haha) mais promis, je reviens très très vite, merci encore et toujours pour tout vos gentils messages et petits commentaires, à bientôt et pour ce qui est du livre, j’ai du nouveau mais je vous en parlerais une autre fois.

Vous avez des idées de coins sympas à voir à Lille?

Ha’Wann

Mai 30, 2011

Ha’wann a 11 ans et demi, l’origine de son prénom est Rawann mais ça sonnait mieux avec un H, enfin c’est ce qu’il a cru comprendre. Ha’wann est collégien à Montreuil, il est en 6ème et me confie avec sincérité que « bon, j’ai pas mal de lacunes en ce moment » il espère ne pas redoubler et s’améliorer l’année prochaine car qui dit rentrée dit nouveau départ. A son âge je tenais environ une semaine, une semaine avec une trousse complète, un cahier bien tenu, des copies doubles en réserve, l’agenda tenu. Ensuite, c’était Bagdad, avec son lot d’avertissements de travail et de conduite alors je soutiens tout ceux qui promettent mordicus de s’y mettre pour de vrai après Roland Garros ou le nouvel an Chinois. Heureusement, après l’école, il y a la danse, le hip hop of course, je ne sais pas si vous avez bien regardé la photo, mais Ha’wann n’a pas exactement une tronche à se mettre en tutu. Il ne s’est pas encore spécialisé mais il aime le new style, un courant qui consiste à créer tes propres mouvements au fur et à mesure. Ha’wann danse mais n’oublie pas de jouer au ping pong dans le jardin avec son papa, Olivier. Cet été il ira en Guadeloupe et entre nous, il a bien de la chance ! Merci Ha’wann !

Kévin

Mai 29, 2011

 Lorsque j’ai abordé Kévin, il s’est dit que j’allais lui demander un renseignement. Face à ce genre de situation, il détient une formule efficace, un bouclier anti-touriste: « Désolé, je ne suis pas du coin ». Ce pourrait être fourbe (et je saurais m’en souvenir le cas échéant) si ce n’était pas vrai: Kévin est breton. Il fait partie de l’équipe olympique de voile française et quand vous allez lire la suite, vous verrez qu’ils sont loin d’avoir le budget de l’équipe de France de football. Kévin revient d’une compétition en Hollande ou lui et son équipe se sont classé 15ème sur 100. Après dix heures de car, le chauffeur l’a lâché à Nation, il doit maintenant se rendre à Montparnasse Bienvenue, ou il prendra un train qui le conduira à Renne, ou il s’écroulera raide mort. C’est son père qui l’a initié à la voile et aujourd’hui Kévin mène de front sa carrière d’athlète et ses études en école d’ingénieur. Pour pouvoir suivre les compétitions, il a décidé de doubler ses années d’études. Les JO auront lieu l’été prochain, difficile de savoir si la France sera sélectionnée tant la concurrence fait rage ! Cet été, entre un partiel et un entraînement, il ira faire un tour au festival des Vieilles Charrues, écouter Cypress Hill et boire des coups avec ses potes. Pour finir, quand je lui demande s’il a un message à faire passer, il tient juste à dire qu’il trouve mon projet sympa. Lorsque je lui montre sa photo il se marre: « j’ai encore du sel plein les cheveux, je suis mort, ça se voit » ! Merci Kévin !

Madame Gérol Albertine

Mai 23, 2011

Madame Gérol a des lunettes qui tiennent avec une grosse ficelle. C’est ce qui m’a donné envie d’aller lui parler. Madame Gérol est né le 8 mars 1945 à Fort de France sur la montagne Pelé, une terre de paix jusqu’à ce que les gens « se mettent à crier, à buter, à casser le Saint Pierre, n’avez vous pas entendu cette histoire »? Madame Gérol va me raconter beaucoup d’histoires et me confronter aux limites que je me suis imposées depuis le début de ce blog. Que faire lorsque la parole de l’autre dépasse ce que l’on a envie d’entendre? Ecouter, sans chercher à retranscrire, poser son petit carnet de note, prendre la main quand l’autre vous la donne, se dire alors qu’on fera le tri plus tard, finalement reprendre le carnet, être mal à l’aise, rougir, sourire. Il ne faut pas appeler madame Gérol Albertine, c’est madame Gérol ou maman de coeur, je choisis l’option madame. Madame Gérol dit que son métier c’est de voir le monde, de voir ceux qui ont les yeux bleus mais la langue aussi claire que la sienne. Aujourd’hui, elle se rend à Saint Denis, soutenir une manifestation à la mémoire des esclaves d’Afrique. Madame Gérol dit qu’il faut faire attention à ce que l’on dit aux enfants, et qu’il faut les nourrir, spirituellement et matériellement. Elle me prend la main et me demande de prier tout fort avec elle, je me dis qu’après tout, comme a dit Kirsten Dunst en recevant sa palme d’or (oui oui carrément) »it’s a once in a life time ». Voilà, pour finir, Madame Gérol me donne son livre qu’elle me dédicace, et me demande de le donner à quelqu’un dans la rue quand je l’aurai fini ça s’appelle « Née avec un sceau sur la tête ». Merci Madame Gérol !

Lydia

Mai 18, 2011

 Quand j’ai abordé Lydia, son téléphone a sonné, j’ai tendu l’oreille pour tout écouter je lui ai laissé un peu d’espace et au moment de revenir à la charge deux adolescentes surexcitées se sont jetées sur elle. Poursuivies par deux jeunes hommes décidés à les séduire elles lui ont demandé de bien vouloir faire semblant de les connaître. Lydia s’est pris au jeu, demandant des nouvelles de « tata » disant que « oui bien sûr elle irait la voir » etc etc. Du coup, Lydia était un peu comme la star du tapis rouge du RER A, j’attendais mon tour pour mon interview. Lydia a 46 ans, elle part rejoindre une copine à Vincennes et prévoit de passer une après midi à se balader et papoter, peut être iront elles boire un café en terrasse. Quand elle ne flâne pas au soleil, Lydia est éducatrice de jeunes enfants. Actuellement, elle travaille dans un PMI, un service de protection maternelle et infantile. Elle y organise entre autre, des haltes jeux, des temps d’accueils… Lydia est éducatrice de jeunes enfants depuis 4 ans, mais a toujours travaillé dans la petite enfance. Elle aime cette relation et cet enrichissement mutuel et surtout elle aime cette distinction entre l’adulte qui projette sans cesse, et l’enfant qui ne se définit qu’au présent. Originaire de l’Auvergne, elle est nostalgique des grands espaces, heureusement qu’elle vit près des bords de marnes. Dans le RER, elle aime les moments incongrus comme le jour ou elle a vu un homme souffler sur une plume pour qu’elle s’envole loin de la rame, ou cette fois ou elle a rencontré une maman et son fils qu’elle avait pris en charge à la crèche 7 ans plus tôt ! Pour finir, Lydia nous conseille de profiter de chaque instant, elle aime ce proverbe latin: carpe diem ! Merci Lydia !

Yang

Mai 17, 2011

C’est idiot cette manie que j’ai de m’adresser aux gens en anglais dès lors qu’ils sont chinois, japonais, qu’ils portent des frusques improbables ou qu’ils regardent un plan. A chaque fois qu’on me répond dans un français impeccable j’ai vraiment honte, quand j’habitais à Berlin et que je m’efforçais de parler allemand, je détestais qu’on me réponde en anglais. Yang étudie la mode à Paris depuis maintenant 3 ans. Il est inscrit à Esmod et sort de l’University of Fashion de Pékin. Il a d’abord passé une année à Montpellier pour apprendre le français et aujourd’hui le résultat est probant. En cette fin d’année, Yang n’a pas une minute pour respirer, il doit bientôt présenter sa collection devant toute l’école. Il a choisi pour thématique « l’inachevé », ce sera une collection autour des accessoires, des sacs, des gants, des chaussures. Il peine un peu à m’expliquer le concept mais ses doigts et ses mains s’agitent comme celles d’un marionnettiste et je devine que ça doit être beau. A Paris, il aime la mode bien sûr, celle de Christian Lacroix qu’il espère voir renaître de ses cendres très prochainement. Yang a tout quitté pour venir s’inspirer des maîtres créateurs parisien. Il admire non seulement les grands noms mais aussi les petites mains. Un jour lui aussi sera créateur ou styliste… En attendant, ce qu’il n’aime pas trop à Paris, c’est l’insécurité le soir. Il aimerait pouvoir rentrer tard sans avoir peur, surtout dans le 13ème arrondissement. Dans la précipitation, je suis montée dans la ligne 4 en pensant rentrer chez moi, je me suis endormie, et me suis réveillée au terminus, porte de Clignancourt, moi qui voulais faire d’autres portraits ! Merci Yang !

Maxi Mea Culpa

Mai 12, 2011

Je m’excuse auprès de vous lecteurs parce que ces derniers temps sincèrement j’ai moins posté que d’habitude. J’ai un tas de raisons valables bien sûr, mais le plus important c’est que vous sachiez que je reviens bien plus en forme la semaine prochaine avec pleins de nouveaux portraits, du suspens, de l’amour, des pouvoirs magiques, des, des, des, ben des portraits en fait.

Merci à vous, et pour parlez un peu « actu » j’ai l’honneur de faire partie intégrante du livre de la blogueuse Anna Sam, en 2008, elle a écrit un livre à partir de son blog (mon rêve) « les tribulations d’une caissière » qui est fantastiquement caustique, et le 25 mai, elle sort « Mon tours de France des blogueurs » et dit donc j’ai un chapitre entier! Bientôt je vous parlerais d’un docu-film qui va sortir sur Arte et ou je fais une mini apparition et aussi le projet Samsung qui prend forme !

Vous aimeriez avoir une version papier de l’inconnu du métro vous? (c’est pas franchement mégalo comme projet??)

Frère Jean

Mai 9, 2011

Faire des portraits sur la ligne 4 a toujours relevé du défi pour moi, sincèrement. Déjà cette ligne est toujours blindée de monde et les gens qui la prennent sont comme les trotteurs de l’hippodrome de longchamps, sur les starting blocks et prêts à mordre. Alors quand Jean est venu me demander s’il ne s’était pas trompé de direction pour aller à Châtelet j’ai sauté sur l’occasion. Ca l’a fait beaucoup rire « mais je suis tout moche, vous auriez pu trouver plus séduisant! ». Puis il m’a donné son accord, parce que bon, ce n’est pas le Figaro. Jean m’a dit que je pouvais l’appeler Frère Jean, ou Monsieur Jean peu importe mais je lui ai dit que frère Jean c’était un personnage de Robin des Bois et qu’une occasion pareille ne se loupait pas. Frère Jean est entré dans la religion a 25 ans, il aura 85 ans le 11 juillet et ne s’estime toujours pas à la retraite car la religion « vous traverse jusqu’à la mort ». Il habite ou couvent de Carmes à Avon, près de la forêt de Fontainebleau. Là il rentre après une journée de rencontres inter-religion. Frère Jean a beaucoup pratiqué le bouddhisme zen, il ne comprend pas « Ya des cathos rudement têtus qui flippent à l’idée de pratiquer d’autres religions, entre nous, c’est franchement crétin ». Sa pratique du bouddhisme a considérablement renforcé et enrichit sa foi catholique et sa foi catholique a nourri sa pratique zen. Il me cite Gandhi: « Celui qui parvient au centre de sa religion, parvient à toutes les religions ». Aujourd’hui ils ne sont que 14 au couvent, il regrette la crise de vocation qui traverse actuellement la chrétienté « mais chez les dominicains, c’est pas mal ». Prendre frère Jean a été une sacrée mission (haha) non parce que autre tare de la ligne 4, elle bouge. Elle a du être construite sur une faille sismique c’est pas possible, au moment ou j’avais un peu de stabilité, une dame a raté en me demandant de me pousser. Bon en sortant de la rame, Frère Jean était un peu paumé, il avait un peu oublié ou il allait, alors je l’ai accompagné jusqu’à la 1 et on a continué à rigoler sur les vieux, les jeunes, le gouvernement qui ne donnent pas assez d’argent à l’éducation nationale, le cerveau qui ne s’arrange pas avec le temps, le couvent et hop dans la ligne 1 ! Merci Frère Jean !

Ps: Pffff c’est frère Tuck en fait, et petit Jean, j’ai fait un remix, je suis tellement déçue.

Habib

Mai 5, 2011

Habib pense que dans la vie les choses sont assez simples: quand quelqu’un veut bien faire son métier, il faut l’aider. Alors aujourd’hui, il accepte de répondre à mes questions et de poser pour moi. Seulement voilà, il est gêné parce qu’il est mal habillé et pas rasé, je lui assure que ça lui donnera l’air décontracté et je crois même avoir utilisé le terme « nonchalant » franchement quand je m’y met je suis pire qu’un marchand de tapis. Habib a 48 ans, il est le gérant d’une entreprise dans le bâtiment. L’avantage, c’est qu’il a pu se faire construire une maison « au bled », il y va demain d’ailleurs il me montre fièrement ses billets qu’il sort de sa mallette de décideur (c’est comme ça qu’on appelle une mallette en cuir chez moi). Le bled c’est Sousse, une ville côtière assez touristique en Tunisie. Il va retrouver sa mère, qui va le gaver comme une oie mais « nous avons tous nos mères dans nos coeurs » et le reste de sa famille. Je lui demande s’il a envie de nous parler un peu de la révolution de jasmin. Habib me dit que son pays vient de connaître une tornade, et qu’il est à présent temps que l’avenir se construise dans le calme. Il faut continuer à travailler. Habib m’explique avec ses mots qu’en Tunisie on a pas l’habitude de penser que lorsqu’on travaille on a le droit de revendiquer des choses, c’est un sentiment qu’il va falloir construire, renforcer. Il a été très heureux de faire ma connaissance et de me rendre service et surtout en regardant la photo il se trouve un air de Colombo, j’ai failli dire Colombo du bled ! Merci Habib !